Le dernier baromètre “Pratique et attentes en matière de recouvrement de créances” Cabinet ARC/IFOP révèle un climat d’incertitude parmi les entreprises, avec des préoccupations quant à leur activité et à une éventuelle détérioration économique à venir. Une tendance de désengagement financier des institutions bancaires suscite également des inquiétudes de la part des entreprises interrogées.
Des préoccupations persistantes
Une certaine inquiétude persiste au sein des entreprises au niveau macro-économique. En effet, plus de deux tiers des dirigeants expriment leurs craintes quant à une possible dégradation de la situation économique française dans les six prochains mois. Cette attitude prudente témoigne des incertitudes qui persistent dans le contexte économique actuel. En ce qui concerne les taux d’intérêt, plus d’un tiers des entreprises (soit 64%) appréhendent une hausse d’ici la fin de l’année.
De plus, une grande majorité des entreprises (96%) estime que la situation économique pourrait entraîner une augmentation des dépôts de bilan. Environ un tiers d’entre elles anticipent même une hausse “importante” voire “extrêmement importante”, mettant en évidence les défis croissants auxquels les entreprises sont confrontées.
Un pessimisme qui se retrouve également à propos de l’activité des entreprises : 80% des dirigeants ne prévoient pas de croissance de leur activité au second semestre 2024, et 16% d’entre eux en anticipent même le recul.
Un désengagement des institutions financières
Une grande partie des entreprises interrogées perçoivent un désengagement croissant des banques envers les TPE/PME. En effet, 60% des dirigeants déclarent que les banques se désengagent vis-à-vis des TPE/PME. Ces entreprises estiment que les banques les soutiennent moins, privilégiant désormais le remboursement du Prêt Garanti par l’État (PGE) avant toute autre forme de soutien financier.
Des défis de trésorerie
Les entreprises mettent en évidence les défis de gestion de trésorerie auxquels sont confrontés leurs clients. Environ un quart d’entre elles estiment que leurs clients ne pourront pas rembourser leurs dettes (PGE, dettes sociales, investissements, factures, etc.). De plus, 77% des clients tentent de compenser leurs besoins de trésorerie en prolongeant les délais de paiement des fournisseurs. D’autres stratégies sont également déployées, comme l’utilisation de découverts bancaires par près de la moitié des entreprises.
97% des sociétés interrogées estiment que les délais de paiement de leurs clients ne se sont pas améliorés et pour 17% qu’ils se sont dégradés au cours du premier trimestre 2024. Un résultat en ligne avec les déclarations des sociétés interrogées en septembre dernier pour qui, à 83%, les délais de paiement risquaient de devenir la variable d’ajustement à la crise pour la gestion des trésoreries.
La réduction du délai de paiement de 60 à 30 jours
Les entreprises manifestent une certaine réserve à l’égard de la mesure proposée par la Commission européenne visant à réduire le délai maximum de paiement de 60 à 30 jours. Bien que la moitié des entreprises envisagent que leurs clients puissent respecter ce nouveau délai, les chiffres révèlent des perspectives mitigées quant à ses effets attendus. Seulement 26% des entreprises estiment que cette réduction pourrait effectivement entraîner une diminution du nombre de dépôts de bilan, tandis que 60% pensent que cela n’aura pas d’impact sur les retards de paiement. Un scepticisme qui s’explique par le fait qu’elles sont très nombreuses à déjà subir des retards de paiement, alors même que la réglementation mise en place en 2008 est plus permissive en termes de délais. D’ailleurs, elles ne sont que 50% à penser que leurs clients seront en mesure de respecter un délai maximum de paiement à 30 jours.
Malgré un pessimisme général quant à l’économie française et les taux d’intérêt, une résilience notable se dégage concernant le futur des entreprises. Les tendances de désengagement financier des banques ajoutent une couche de complexité aux défis de trésorerie. La proposition de la Commission européenne de réduire les délais de paiement divise les entreprises, mettant en évidence la nécessité d’approches nuancées pour aborder les enjeux de liquidité et de solvabilité.
Denis Le Bossé, Président de Cabinet ARC commente :
« Dans un contexte morose où les TPE-PME continuent de manquer structurellement de fonds propres, entraînant de plus en plus de défaillances d’entreprises, et où 68% des entreprises sont convaincues de la prochaine dégradation de la situation économique française, les délais de paiement constituent toujours plus un enjeu capital. Ces derniers sont encore considérés à une très large majorité (77%), comme le premier moyen utilisé pour compenser les besoins de trésorerie. Et si la plupart des grandes entreprises appliquent des pratiques vertueuses et que la stratégie de « name and shame » permettant à l’État de dénoncer les contrevenants se veut dissuasive, certaines continuent d’user de leur position dominante pour imposer des conditions de paiement contraignantes à leurs fournisseurs, tant la sanction maximale actuelle est anecdotique, financièrement, pour elles. Face à ce constat, les sociétés ont clairement manifesté, à plus de 70%, le souhait que les amendes délivrées par la DGCCRF aux sociétés ne payant pas leurs factures à l’heure, soient définies au prorata des bénéfices réalisés par celles-ci, devenant ainsi des sanctions véritablement impactantes et efficaces. »
Cette étude a été menée du 17 au 29 avril par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 200 entreprises comptant 50 salariés et plus.